Le projet Derniers Souffles est composé de trois installations à voir ci-dessous : Ressac, Écueils et Archipel (en cours de fabrication). Le projet fait suite à une série d'ateliers avec de jeunes autistes non langagiers au sein d’instituts médico-éducatifs. Lors de siestes sonores, les jeunes accédaient à des états de détente jusqu’alors complexes à atteindre, grâce à l’usage de basses fréquences et de bruits blancs. Interpellés par leurs effets, nous avons commencé à nous intéresser aux potentiels psychoacoustiques et suggestifs des bruits blancs et aux manières de les produire. Nous avons donc cherché à générer des bruits aux grains particuliers, ce qui nous a menés vers des circuits analogiques reposant sur des composants anciens, au germanium (Ge) et au silicium (Si). Nous nous sommes mis à chiner, à démonter, à récupérer de vieux stocks militaires et industriels pour trouver, tester et comparer les fameux composants aujourd’hui obsolètes. Cette (en)quête nous a également plongés dans leur histoire et leurs conditions de production, l’extraction des ressources nécessaires pour les raffiner et les assembler, faisant affleurer des problématiques écologiques et sociales liées à notre histoire techno-industrielle et modifiant notre lecture de ce son. Le fameux bruit blanc tant apprécié pour sa capacité à nous détendre apparaît alors paradoxalement comme le bruit artificiel de la démesure technologique.
DERNIERS SOUFFLES: RESSAC
Avec Edouard Sufrin
Composants électroniques, laiton, boîtiers industriels, hauts-parleurs à compression.
Ressac est composée de trois boîtiers industriels devenus reliquaires de circuits électroniques. Ils redonnent vie à d’anciens composants électroniques obsolètes - diodes au germanium et transistors en silicium - pour étudier leurs particularités acoustiques. Reliés à des hauts-parleurs à compression, chaque circuit, façonné en laiton, amplifie le souffle d’un composant, transistor ou diode, pour émettre un son proche d’un bruit blanc. Ce souffle est ensuite modulé pour créer des variations d’amplitude et simuler le ressac de la mer. Ce son provient d’un phénomène appelé « effet d'avalanche ». À l’intérieur du minéral aux propriétés semi-conductrices, les électrons accélèrent jusqu’à percuter des atomes qui libèrent alors d’autres électrons en cascade, ce qui génère un souffle. Proches d’un bruit blanc, ces sonorités envahissent l’espace et deviennent activatrices de paysages imaginaires, simulacres d’environnements naturels et marins dont le grain électrique peut trahir l’origine artificielle des fréquences amplifiées. Une avalanche aux sonorités diluviennes, allégorie des dérèglements climatiques qui menacent notre monde techno-industriel. Et si le dernier son que nous entendrons était le doux ressac d'une mer qui nous engloutit ?
DERNIERS SOUFFLES: ÉCUEILS
Avec Edouard Sufrin
Composants électroniques, laiton, paraping, Casque TSF.
Les Écueils, ces roches qui dépassent dangereusement de la mer, sont matérialisés par un ensemble de parpaing sur lesquels repose deux fragiles circuits façonnés en laiton dont le souffle des composants produit un son proche du bruit blanc. Dans les parpaings, sont incrustés deux variateurs. Ils permettent de moduler le volume du circuit dans chacune des oreilles du casque radio militaire. Ici, il est question de proposer aux visiteur.ice.s une expérience d’écoute des potentielles propriétés psychoacoustiques ces bruits presque blanc. S’ils peuvent clairement évoquer le son d’une fontaine, de la pluie ou de la mer, ils peuvent aussi générer d’autres apparitions plus subjectives telles que des voix ou des mélodies. Et c’est probablement parce qu’ils sont composés de toutes les fréquences audibles que nos mécanismes cognitifs vont être plus facilement sujets à ces illusions sonores appelées paréidolies. Notre cerveau va chercher à reconnaître dans les sons abstraits des formes identifiables, construites par rapport à nos imaginaires, référentiels personnels et constructions culturelles.
DÉRIVES
Avec Edouard Sufrin
Extraits philosophiques, boitier de dérivation, acier inoxydable, circuit électronique, haut-parleur, batterie.
Outres-sons, Les instants chavirés, 2024
Le nom du monde est forêt, CNEAI, 2022.
Galerie d'art de la ville de Créteil, 2020.
Collection du CNEAI, 2022.
photos:
Dérives exposés aux instants chavirés pour Outres-sons.
4 : Version en inox réalisé pour la collection du CNEAI en 2022.
Dérives est une série de boîtiers en céramique vieillis aux oxydes de cobalt et de manganèse, minerais aussi présent dans nos outils technologiques. À l'intérieur, se dissimule un dispositif de diffusion qui pioche un échantillon sonore dans une bibliothèque de sample dans un temps et un ordre aléatoire. S'en échappent alors sons électriques, voix de chercheur · euses, penseur · euses, regards critiques. Les sons des différents boîtiers se mélangent, les points de vue se répondent. Non sans ironie, le hasard devient créateur de sens multiples.
Une version unique de cette installation a été conçue en métal pour la collection du CNEAI.
LES LUCIOLES
avec Edouard Sufrin
Modules électroniques autonomes,
sonores et lumineux.
Outres-sons, Les instants chavirés, 2024
La Gaité Lyrique, 2018.
Concerts dispersés,
Centre d’Art Contemporain
de Cajarc, 2017
Nuit Noire, 2016.
Nuit Noire, 2015.
Ces lucioles sont la métaphore
d’humains qui préservent leur culture
populaire en résistant aux pressions
politiques. Même si cette résistance ne semble
être qu'une faible lueur dans la
nuit, égale à celle d'une petite luciole, elle insuffle l’idée que sans cesse, nous
réussirons à échapper aux miradors de notre époque.
L'installation Les lucioles est inspirées par l’essai
Survivance des lucioles de
George Didi-Hubermann.
En analysant une lettre écrite par
Pasolini à son ami Franco Farolfi
en 1941, il fait une analogie entre
perturbations écologiques, disparition des lucioles et les
troubles politiques qui perturbent l'Italie à cette époque.
Ce projet a continué d’évoluer selon les contextes où il a été présenté. Aux modules lumineux
sont venus s’ajouter des versions sonores, qui intéragissent avec leurs congénères.
Cela a donné naissance à une série d’ateliers visant à initier des néophytes
à la pratique de l’électronique. Ces ateliers furent un contexte intéressant
pour échanger sur le fond du projet et partager la réfléxion de Pasolini et les
interprétations de Didi-Huberman.
CURIOSITES MINERALES
Composants électronique, laiton, minéraux, circuits electroniques, hauts-parleurs.
Projet réalisé pour la Mallapixels Val-de-Marne.
2020.
Curiosités minérales est une série de trois cloches en verre où sont réunies trois générations de composants électroniques. Résistances en carbone, diodes au germanium et transistors en silicium ont marqué l'histoire du développement technologique, que ce soit dans le domaine militaire ou civil, industriel ou artisanal. Ici, ils sont associés aux minéraux et éléments qui leurs confèrent leurs propriétés. Des curiosités inhabituelles mais pourtant quotidiennes, qui nous entourent démesurément. Nos téléphones et ordinateurs actuels contiennent chacun plusieurs milliards de transistors que nous ne sommes plus en mesure d’observer à l'œil nu contrairement aux premières générations de composants. Si cela contribue à l’obsolescence de nos technologies, cela aggrave surtout la méconnaissance que nous avons de leur fonctionnement interne.
Ces cloches sont associées à un dispositif sonore diffusant des récits invitant à se plonger dans l’histoire de cette miniaturisation, de nos puces électroniques à la poussière d’étoiles dont elles sont, tout comme nous, constituées.
MAINS D'ŒUVRES
Composants électronique, laiton, hauts-parleurs, matière graphique, outils.
See-U, Bruxelles
2022.
"Sans doute un peu écrasés par la difficulté et peut-être la crainte de se dire où ils en étaient, ils fouillaient dans leurs machines pour se demander où ils en seraient."
2084, vidéo de Chris Marker, 9m46s, 1984
Prenant comme base le film 2084 de Chris Marker, l’installation Mains d'œuvre interroge le devenir du travailleur dans l’ère du tout numérique. L’installation dresse un cyber portrait du futur en faisant dialoguer de manière aléatoire et anachronique voix extraits d’internet de philosophes, journalistes, politiciens, citoyens et médias. Cette base de données sonores, sorte d’archive du présent, interroge ici les préoccupations soulevées par 2084 : travail, avènement des technologies, devenir ouvrier.
L'espace d'exposition est transformé en atelier-laboratoire, où le temps se serait suspendu et où la présence humaine est manquante. Ce sont finalement les travaux, encore en cours de création, qui nous content de manière autonome les mémoires de possibles futurs, ceux de l’année 2084. Sur l’établi de Mains d'œuvre, la rencontre entre techniques traditionnelles de bijouterie et circuits imprimés se matérialise en une sculpture-circuit qui s’interroge sur le devenir de nos modes de production.
FIREWALL
avec Edouard Sufrin
Firewall Juniper SSG modifié,
alimentation autonome,
mini machine à fumée.
DOC Paris, 2018.
Ce firewall semble mener une existence autonome, sujet à des connexions
fantômes provoquant des dysfonctionnements, le menant à surchauffer,
fumer, puis redémarrer.
Une fois plongé dans la partie en réalité augmenté de l’exposition, grâce à des
lunettes de réalité virtuelle, le visiteur reçoit une profusion de spams, pop-ups, qui
lui proposeront nombre d’avertissements sur la santé de son ordinateur ou autres
méthodes pour gagner de l’argent facilement.
EN CAS DE NÉCÉSSITÉ
avec Edouard Sufrin
Boitier de déclenchement manuel
détourné, dispositif électronique.
Vous vivez dans la peur? Grâce à ces
boitiers, vous pourrez
recréer les sonorités de
tout type de sirenes et
d’alarmes. Un produit qui répondra à n'importe lequel de vos problèmes !

MACHINES A HABITER
Maquettes en papier et carton,
Kits à monter soi-même.
Livre sonore, entretiens,
archives vidéo, articles.
Projet soutenu par l’Espace
Jean-Roger Caussimon de
Tremblay en France durant
l’année 2019/2020.
EP7, 2018.
« Machine à habiter » était un terme employé par Le Corbusier à propos des immeubles d’habitat qu’il réalisait. Pourtant en 1965 est construite à Montfermeil une de ces machines à habiter, une machine qui marquera toute une époque puisqu’elle devient le symbole d’un
ghetto et sera détruite en 1994. Toutes ces constructions sont des monuments urbains tant communs que personnels. Éléments forts de l’Histoire, elles ont marqué ceux qui les ont connues et aident à comprendre comment ces territoires se sont construits. Ces lieux sont les preuves du perpétuel mouvement de la ville. Ce projet leur rend hommage.
Inspirée des produits vendus dans les boutiques souvenirs de grands sites touristiques, Machines à habiter est une collection de kits de monuments urbains à monter soi-même. L’ensemble est accompagné d’un corpus d’archives ainsi que d’un livre sonore réunissant des recherches historiques et les témoignages de personnes ayant
«vécu» l’architecture de ces lieux.